La composition
Comment ça marche? Avant toute chose, il faut nourrir la machine avec des partitions qui constituent « l’inspiration ». Tous les fantasmes sont possibles : on peut imaginer des mélanges stylistiques ou au contraire chercher à créer le corpus idéal dans un style particulier. Ce travail d’imagination influence mon oreille lorsque la machine me propose des mélodies. Sans ce désir, la machine perdrait un peu de son attractivité. Mystère de certaines chansons qui nous fascinent et dont on rêve qu’une part sera régénérée par la machine ou capturée par la puissance de calcul et rendue en fragments magiques.
J’ai nourri le système avec mes chansons préférées des Beatles (plutôt Revolver). C’était au tout début de mon métier de musicien + machine, je composais avec le système de façon un peu scolaire sur 16 ou 32 mesures. C’était fastidieux. Plus tard j’ai compris qu’il fallait se concentrer sur 4 ou 8 mesures et construire progressivement en ajoutant les mesures les unes aux autres, en copiant des petits groupes de mesures comme des legos.
Après avoir gardé les meilleurs passages, puis en avoir généré d’autres qui tenaient compte de ce que j’avais gardé, j’ai obtenu un couplet (joué ici par un piano électrique de Logic Pro) :
Vous noterez que la mélodie ascendante à 0:18 est très typique car elle s’accompagne d’une descente harmonique à 0:22 qu’on retrouve dans Yesterday par exemple, comme l’explique dans ce TEDx François Pachet, un autre fan des Beatles qui dirigeait le projet Flow Machines. Vous entendrez aussi que la suite n’est pas convaincante. J’ai abandonné assez vite la montée en tierces sur un accord de 7ème qui suit la descente harmonique (à 0:28). J’ai gardé l’idée d’une mélodie répétitive (à 0:38). Je crois me souvenir que j’ai co-composé ces quatre mesures en allant chercher un corpus d’inspiration 100% John Lennon.
Pour finir j’ai ajouté à la main une sorte de post refrain qui est venu très naturellement, avec des sons de cloches. J’ai enregistré dans la foulée une démo en yaourt (faux anglais) avec beaucoup de choeurs, très Beatles. François Pachet est passé dans le studio pour écouter. Il a suggéré des harmonies supplémentaires sur les choeurs et une structure qui inclue deux refrains différents : l’un avec sa variation et l’autre sans. J’aimais l’idée d’une asymétrie. La démo me faisait penser à un titre de Voulzy, surtout l’intro :
C’était Noel, l’équipe des chercheurs s’était réunie dans le café du coin, le Waikiki. Cette musique me rappelle le vin blanc et la clope sur le trottoir dans le froid. Le concert, le buzz En septembre de l’année suivante, il a fallu mettre en ligne de toute urgence une chanson composée avec l’IA de Flow Machines pour promouvoir le concert programmé un mois plus tard à la Gaité Lyrique (ici tous les titres du concert). Je travaillais activement avec Barbara Carlotti, Ô, Lescop, Housse de Racket, Kumi, Camille Bertault et ALB sur des titres qu’on jouerait sur scène.
Un mois plus tôt, je n’avais que deux titres terminés : la chanson Beatles et un autre titre Ballad of The Shadow. Nous avons décidé de mettre ces deux titres en ligne.
Je devais améliorer cette version trop brouillon et écrire un texte pour remplacer le « yahourt ». Je trouvais pertinent d’écrire un texte très simple, un peu naïf pour coller au concept d’une intelligence artificielle qui commence à faire des chansons. J’ai pensé à la Renault 16TX bleu électrique sur les routes de Provence et à l’auto-radio dans lequel je glissais toujours la cassette de Revolver quand par bonheur ma mère conduisait et que j’avais la chance d’être devant (je suppose que mon père ne conduisait que la famille entière…). C’est donc la voiture à Papa conduite par Maman. Il fallait bien ça pour illustrer cette mélodIA.
C’était un exercice de style sans prétention qui a été d’ailleurs pris très au sérieux. J’ai une tendresse pour ce premier titre mais ma première vraie chanson avec l’ IA est Ballad of The Shadow. Visuels : Fiammetta Ghedin